LaPLAINTE
Avant-propos
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Avant-propos de La Plainte
Nous avons tous une raison de nous plaindre. D’une situation, ou de quelqu’un.
Une plainte. Un acte banal, désormais. Une sorte d’incontournable de la modernité, quand il est plus naturel de dénoncer un proche ou un collègue pour l’évacuer ou lui rappeler qui commande, que de lui reconnaître le droit d’exister.
Cette plainte qui désormais est la mienne, avant d’imposer à son tour, hélas, ses propres nécessités, était un appel lancinant dans la nuit, une apostrophe pour éluder le silence. La complainte de l’animal blessé. Une plainte, une véritable plainte, n’est jamais formulée contre quelqu’un. Elle ne cherche pas à être partagée, mais rappelle qu’il existe toujours, dans ce que nous remettons à l’obscurité, une souffrance qui a quelque chose à dire.
La plainte de cette femme artiste littéraire me parle de l’âme humaine comme aucun autre événement. La plainte de cette femme modèle de féminité affiche à mes yeux ce qui nous arrive aujourd’hui à tous, intimement, et collectivement. C’est pourquoi il me paraît utile d’exposer ce à quoi elle m’a fait réfléchir, car un tel acte, s’il révèle plus encore son auteur que sa cible, peut aussi devenir le miroir implacable de l’institution qui l’accueille.
Tout est à refaire et l’on ne sait pas par quel bout prendre les choses. Les alternances politiques ne changent rien. Le militantisme n’aboutit pas. Les déséquilibres s’amplifient à l’échelle internationale comme au niveau national, où chacun est tributaire d’un système où le mot d’ordre s’impose sur la responsabilité personnelle. Communiqués et discours prolifèrent et s’entrecoupent sans qu’aucune ligne de force ne se dégage, sinon celle qui consiste à régler les problèmes en marginalisant ceux qui les soulèvent.
Le démographe Emmanuel Todd résume la situation en ces termes : « nous courons, depuis le milieu des années 1980, de micro-défaite en micro-défaite, processus cumulatif qui nous a menés là où nous en sommes : à une absence totale de perspective historique positive. » Un constat applicable à presque toutes les strates de la société, tous les secteurs d’activité. Une succession de micro-défaites qui finit par réduire le lendemain à une hypothèse, et met l’humanité en ballottage.
Tout est à refaire, mais on ne sait pas par quel bout prendre les choses. Normal. Le monde n’a plus de bout. Alors, comment s’organiser, se battre ? Personne ne s’est déclaré notre adversaire. L’ennemi est mal identifié et multiforme ; constater qu’il siège également en soi-même serait de nature à se convaincre que la cause est bel et bien perdue. En réponse à des enjeux indémêlables, les puissants, eux aussi impuissants, spéculent sur l’avenir, ressassant des formules qui ne disent rien. « Développement durable », « égalité numérique », « village global », « vivre-ensemble », « people managment »… Des pièges rhétoriques, pour un contrôle grandissant.
Au printemps 2020, alors que nous nous diluions dans des illusions progressistes sans clairement identifier ce qui entravait leur déploiement, l’adversaire universel à la réalisation des légitimes desseins de l’humanité a trouvé un nom. Un nom commun auquel il fut immédiatement attribué une majuscule, tant il ne fallait pas se mésestimer soi-même en le sous-estimant lui : Covid !
Le « Covid » avait le talent qui nous manquait. Il se présentait sans chichi comme notre ennemi commun, et la guerre pouvait enfin être déclarée. Notre ennemi, ce n’était donc pas nos peurs, notre aveuglement, notre suffisance, nos contours, non, l’ennemi, c’était bien l’autre, mais un autre qui n’accusait personne, sinon un pauvre pangolin ou quelque laboratoire asiatique. Un ennemi humain nous confronte obligatoirement à nous-mêmes, puisqu’il ne manque pas de riposter en visant nos points faibles. Le virus, lui, nous innocente tout en nous épargnant de nous battre. Voici l’imperceptible qui charrie possiblement la mort ; pas à chaque fois qu’il s’introduit dans l’organisme, loin de là, mais possiblement, et cette seule possibilité de mourir suffit à tout sacrifice, à commencer par celui de la liberté.
Les victimes ne furent pas seulement les plus âgés ou les personnes affaiblies que la maladie emporta. Il y eut aussi les blessés, par millions. Blessés dans leurs entreprises, leurs affections et leur idée du monde, dans leurs menus mais souverains plaisirs, ou par les coups intempestifs d’un conjoint, d’un parent, qui n’en pouvait plus de la claustration. Victimes de cette guerre fantasmée dont la cessation n’apporta pas même un sentiment de victoire, puisque la délivrance n’arriva pas du recul de l’adversaire, mais du relâchement de l’étau légal. Une guerre sans l’excitation des combats, sans la satisfaction du devoir accompli, mais qui exigea, séance tenante, l’abrogation du droit de dire non.
Les textes qui suivent ont été écrits avant la crise du covid. Ils n’y font donc pas référence et pourtant, l’on pourrait penser qu’ils en parlent aussi. Ma micro-histoire a pour point commun avec le séisme de l’épidémie mondiale de faire ressortir le fond idéologique des instances qui nous gouvernent. Des instances qui ont appris à se distancier de toute forme d’opposition ou de contrariété, et pour lesquelles le droit semble devenu accessoire. Ce n’est pas un constat nouveau ; seule l’échelle a changé. Au cours de cet avant-propos, je voudrais évoquer le rôle que le pouvoir politique a fait jouer à la loi dans le contexte du covid, et l’absentéisme du magistrat.
Dans le domaine de la santé, lorsqu’en 2009 le virus H1N1 s’abattit sur l’Europe, le discours des médias était très semblable à celui de 2020. Sauf qu’il n’a effrayé personne, et que l’État n’a pas envisagé la mise en place d’un dispositif général qui aurait pu éviter que soient envoyés à la poubelle les dizaines de millions de vaccins commandés à la hâte. La crise de 2020 n’a rien introduit de nouveau dans l’intention, qui se décrit comme la volonté de protéger, mais a déployé des outils de coercition et de fabrication du consentement jusqu’alors inconnus. L’urgence n’est pas passée par la mobilisation des médecins généralistes, par l’essai de traitements préventifs ou curatifs, par l’appel à la responsabilité personnelle, mais par une loi suspendant immédiatement la liberté de circuler, et complétée par une batterie d’ordonnances et de décrets allant dans le même sens. Ceci pour en arriver à la situation inédite où la population active avait moins à redouter du fléau désigné que des décisions politiques censées le combattre.
L’humain n’a jamais été la réponse. C’est la loi qui a décidé pour l’humain. À partir du moment où l’exécutif a juridiquement fixé l’état d’urgence, et remis le sort du pays à un conseil scientifique improvisé, il a eu les coudées franches, et tout lui devenait permis, y compris de précipiter le pays dans la psychose. Avant la loi, le message était qu’il n’y avait rien à craindre malgré ce qui se passait en Chine et en Italie, et dont le gouvernement français était parfaitement informé. Juste après, et avant même que la loi ne soit promulguée, l’État s’est permis d’enfermer tout le monde. Alors s’est imposé dans les médias un discours anxiogène servi par des décomptes macabres, les journalistes se faisant un devoir, loi martiale oblige, de mettre en sourdine leur esprit critique pour relayer l'alarmisme officiel.
La judiciarisation de la relation entre la personne et la chose publique ne se contentait plus de faire souffrir au cas par cas. Tout le monde était concerné, au même moment, et pour la même raison. Avec le confinement et les restrictions, l’État a introduit du jour au lendemain ce qui était jusqu’alors, au sens propre, impensable. Des droits fondamentaux furent radiés. Temporairement, certes. Mais longuement, et sans tolérer d’exception. Tous, y compris les enfants, étaient tenus de mettre leur vie en sourdine pour la cause, et pour un gain impossible à vérifier. En revanche, un certain nombre de conséquences de cette politique se révélèrent parfaitement quantifiables. Elles se comptèrent en faillites, en endettement public, en violences domestiques, en consultations en psychiatrie, en dépressions sévères. Un autre chiffre éloquent : neuf mois après la période de confinement, la France a enregistré son taux de natalité le plus faible depuis l’après-guerre.
Le prétexte sanitaire rendit la loi inattaquable. Chacun n’avait qu’à se taire et à s’y adapter, en attendant de la trouver normale. Que le covid n’ait représenté en 2020, l’année de la pleine crise, que 2 % des hospitalisations, n’a pas assoupli la politique, au contraire : il fallait que tous, désormais, reçoivent l’injection. Laquelle n’empêchait pas plus de transmettre le virus que de tomber malade, mais qu’importe, il existait bien quelque statistique pour donner à l’obligation une forme d’utilité. Que la vaccination permit de « limiter les formes graves » suffit à ce que l’on traita les millions de récalcitrants en parias. Sans que la justice y trouvât quoi que ce soit à redire. Quant à la fécondité, qui signait en 2021 un retour à la normale, elle a de nouveau chuté en 2022, dans la prolongation de campagnes de vaccination qui ont notamment suscité d’innombrables témoignages de femmes subitement affectées par des troubles menstruels. Un phénomène similaire a été observé dans la plupart des pays d’Europe, conjointement, pour la même année 2022, à un rebond de la mortalité que les instituts de statistiques ne s’expliquent pas.
Qu’en dit la justice ? Qui, au sein des tribunaux, veut bien se donner la peine d’enquêter sur ces faits dont certains éléments laissent penser qu’ils pourraient être liés aux effets secondaires de la vaccination ?
Aucune suite à des plaintes pourtant nombreuses et solidement étayées. Silence total de la justice quand il fallait protéger la liberté de ceux dont la seule faute était de relayer une information mieux sourcée ou plus étendue que celle dont l’État se satisfaisait, et à qui le pouvoir répondait par la déclassification et la censure. Si « l’incitation à la haine », et c’est bien cela qui fut induit par certaines directives gouvernementales, est illégale, manifester son opinion et interpréter des faits, même à tort, ne l’est pas. Mais pas le moindre « rappel à la loi » pour les professeurs d’injures.
Certes, les personnes qui ont contesté la parole publique n’ont pas été envoyées en prison. Mais traiter par le mépris et le musellement des citoyens qui ne font qu’user de leur bon droit est déjà une façon d’enfermer, donc de sanctionner, et de manière indiscutablement abusive car non fondée sur la loi ou sur une décision de justice. Si l’institution judiciaire laisse se propager de tels abus de pouvoir, qui sont graves, sous prétexte qu’elle les trouve véniels ou même souhaitables, c’est qu’elle est susceptible de fermer les yeux sur plus grave encore.
Je fais ce constat et cherche à le rendre plus lisible de manière à ce que nous le fassions tous : dorénavant, la plupart des magistrats ne calibrent plus leur comportement sur la règle commune ni sur leur déontologie, mais sur ce qu’ils retiennent des choses en fonction des intérêts spécifiques de l’État.
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